Château de Poudenas

Historique d'un authentique château fort transformé en palais italien au XVII° siècle

Quand la famille qui fut à l'origine de la construction du château fort l'habite toujours !

La première mention de Poudenas remonte à 1077, où Odon de Podenas est cité dans une charte promulguée par le comte d’Armagnac. Cinquante ans plus tard, son petit-fils Pierre donne en paréage à Trincavel, vicomte de Béziers, une vigne sur le territoire de Poudenas. Mais ce n’est qu’en 1276 que mention est faite du château dans un acte de vasselage de Guillaume de Podenas envers Edouard 1er Plantagenêt, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine.

 

On peut estimer que c’est à cette époque que date la partie la plus ancienne du château actuel, situé à mi-chemin entre Sos et Mézin, sur la rive gauche de la Gélise, qu’il domine de 50 mètres.

 

Une double enceinte comprenant le château, l’église, les batiments d’exploitation et quelques maisons du haut du village assurait la sécurité des habitants d’alentour qui venaient se réfugier en cas d’attaque. Avec une garnison d’une vingtaine d’hommes, il verrouillait ainsi la vallée, frontière naturelle entre les royaumes de France et d’Angleterre.

 

La façade nord présente alors un mur aveugle de cent mètres de long percé de quelques archères. Une seule ouverture : le portail qui précède une voûte en plein cintre de 6 mètres de haut, donnant accès à la cour.

 

Passé la voûte, le spectacle est différent. En effet, terminée la période féodale, marquée en 1369 par le siège infructueux du Prince Noir, qui s’était aliéné toute la population d’un impôt de 10 sols par feu, puis par le passage en 1497 de Charles VIII, descendant pour sa malheureuse campagne d’Italie, le site et la politique ne justifiaient plus une implantation militaire.

 

Au début du 16ème siècle, une première humanisation conduisit au percement de fenêtres à meneaux sur le donjon. Les guerres de religion arrêtèrent les travaux qui furent repris cent ans plus tard par Jean de Podenas.

 

En 1571, Gaston de Podenas, mort sans postérité, laisse toute sa fortune à sa veuve Françoise de Barran qui la laisse à son tour à sa nièce Françoise de Caubios. Celle-ci épouse en 1581 Jean du Bouzet de Roquépine qui prend le nom de sa nouvelle terre et écartèle les armes du Bouzet et les armes Podenas.

 

C’est son petit fils Jean, comte de Podenas – on ne parle plus des du Bouzet – qui, ayant épousé en 1657 Guyonne de Vaillac, entreprit la modernisation du château, terminée par son fils Pierre Gaston, comte de Castelnau, en faveur de qui la terre de Poudenas fut érigée en marquisat.

 

L’aîné de ses fils, François, n’ayant pas d’enfant, laissa ses biens à son frère cadet Charles Maurice, en le grévant d’une substitution en faveur du fils de son oncle, Jean Félix, comte de Podenas.

 

Nonobstant cette substitution qui rendait la terre inaliénable, le patrimoine de Poudenas fut vendu par Charles Maurice à madame de Narbonne Pelet – d’où quelques décennies de procès. Finalement le comte de Digeon, neveu et héritier de madame de Narbonne Pelet, eut gain de cause et resta maître des lieux jusqu’à sa mort en 1835.

 

Pendant cette longue période, habité occasionnellement, le château avait souffert d’un manque d’entretien évident, malgré les moyens de fortune importants de ses propriétaires. Le comte de Digeon, en effet, était un des plus grands propriétaires de France. Il payait, en 1825, 35.000 francs d’impôts, ce qui le classait dans les 10 plus gros contribuables du royaume. Mais, fort original, il vivait de manière très simple, attachant plus de prix aux relations humaines qu’à l’état de ses propriétés.

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N’ayant pas d’enfant, il laissa la propriété, qui était immense, puisqu’elle s’étendait jusqu’à la Tour  d’Avance, à une nièce de sa femme, Stéphanie de Virieu, qui y mourut en 1871.

 

Ses héritiers vendirent alors le château à des marchands de bien qui le revendirent dix ans plus tard, après avoir dispersé une grande partie de terres et des bois, à Henri et Charles de Podenas, derniers descendants de cette illustre famille. Ils trouvèrent des batiments en ruine et pratiquement démeublés.

 

Ils avaient heureusement, en plus des tableaux de famille qui ornent actuellement les salons, un important mobilier qu’ils ramenèrent d’Italie où leurs parents s’étaient établis en 1830, ayant quitté la France pour incompatibilité d’humeur avec la monarchie de Juillet.

 

Ils s’attachèrent d’abord à la restauration et à la décoration des pièces de réception. Le dernier d’entre eux mourut en 1891, laissant la façade Nord à demie éffondrée et l’ensemble totalement inhabitable.

 

C ‘est dans cet état qu’ils léguèrent la propriété à leur jeune cousin, Jean de Nadaillac, arrière petit neveu de leur grand-mère, Athénaïs de Nadaillac, marquise de Podenas.

 

Depuis lors les travaux de restauration continuent….

 

C’est en pénétrant dans la cour que le contraste apparaît : de forteresse de conception gasconne, le château prend la forme d’une villa italienne. Tous les murs sont largement percés de fenêtres, qu’il s’agisse du corps de logis principal, orienté Est-Ouest ou de la terrasse accolée à l’aile construite, en Nord-Sud, en travers de la cour ou de la terrasse, supportée par une voûte, qui relie l’ancien donjon au porche d’entrée.

 

La première construction, du 17ème siècle, est une salle voûtée en plein cintre de 27 mètres de long sur 7 de large, appuyée sur le mur d’enceinte à l’est et au sud. Elle est datée de 1664, par le maçon, Duplan.

 

Le reste de la construction paraît avoir été terminée en 1686, date qui figure sur deux cadrans solaires, l’un orienté sud-est, l’autre nord-ouest, dans la cour principale.

 

C’est la façade sud, dominant la vallée de la Gélise qui rappelle le plus les villas toscanes : 3 galeries superposées coupent la façade haute de 20 mètres au pied de laquelle un escalier à double révolution donne accès à un terre-plein édifié après l’arasement d’un mur de fortification épais de 3 mètres qui défendait l’accés Sud et dominait un glacis escarpé descendant vers la rivière.

 

Dans ce corps de bâtiment principal, long de 80 mètres, 6 pièces se succèdent, de style et d’ameublement différents, suivant l’époque au cours de laquelle elles ont été décorées ou aménagées. D’est en ouest nous trouvons successivement : 

 

- une grande salle dont la voûte est venue s’appuyer au 17ème siècle sur le mur d’enceinte Sud. Elle sert actuellement de salle d’exposition ou de réception ( en location).

 

- le grand salon : entièrement réaménagé au début du 20ème siècle, il comprend un ensemble de fauteuils, canapé et chaise longue de style Louis XVI italien en bois peint. Le reste du mobilier et de la décoration est Empire : lustre monumental, les deux guéridons, l’un italien en bois doré et l’autre français, plus classique, desserte retour d’Egypte, cheminée. Grande tapisserie des Gobelins (17ème) représentant l’enlèvement des Sabines : quand Romulus et Remus voulurent fonder Rome ils firent un cercle avec leur charrue et décidèrent d’y créer leur capitale. N’étant que des soldats, ils firent une razzia sur un village voisin, celui des « Sabins », et enlevèrent leurs femmes. Quand ceux-ci voulurent les reconquérir, les Sabines refusèrent et restèrent avec les Romains. Les différents tableaux qui ornent la pièce représentent les ancêtres des propriétaires actuels : au-dessus de la cheminée, le marquis et la marquise de Nadaillac entourés de leurs enfants : Athénaïs, la petite fille, que l’on retrouve sur le tableau à droite de la tapisserie, épousa le marquis de Podenas en 1813 et fut dame d’honneur de la duchesse de Berry. Elle fut la grand-mère de ceux qui rachetèrent Poudenas vers 1880. Le petit garçon, en tenue de hussard au-dessus de la porte, épousa une écossaise, Marie Mitchell, dont le portrait est à droite de la fenêtre. A droite de la cheminée, la belle-fille de Sigismond, née Courcy.

 

- la pièce suivante, plus étroite avec une cheminée monumentale de la même époque, a été transformée au 19ème siècle en bibliothèque et décorée de boiseries exécutées par la propriétaire de l’époque, Stéphanie de Vireu. Grande cheminée du 16ème, avec sur le cartouche une toile peinte figurant Henri IV à qui des angelots présentent le portrait de sa future épouse, Marie de Médicis. Le mobilier, canapé et fauteuils, sont de style Louis XIII gascon, en »os de mouton ». Les tables, vitrine, bureau et cabinets sont renaissance italienne en ébène incrusté d’ivoire et de nacre. 

 

- puis une salle des gardes, dallée ; au plafond à la française, à l’extrémité Est de laquelle une imposante cheminée de pierre, du début du 16ème siècle, porte dans le cartouche supérieur les armes des Podenas, écartelées avec les armes de Guyenne et celles de France. Deux commodes « à bonbochi » (figurines en italien) provenant du nord de l’Italie (fin 16ème siècle), entourés par des fauteuils de style Louis XV, italiens eux aussi, recouvert avec une tapisserie en cuir de Cordoue. Bonnetière gasconne (près de la salle à manger). Le meuble de couvent (près du bureau) est plus raffiné et présente une Annonciation dans sa partie supérieure et des saints martyrs en dessous. Les chenêts seraient de Tacca, au début 17ème, éxécutés d’après les esquisses de Michel-Ange pour les esclaves du tombeau du pape Jule II à Fleurance (Italie). A gauche de la cheminée meuble d’époque et de style Henri II. Au dessus, peinture italienne (école de Bologne) du 17ème représentant la guérison de l’aveugle par Jésus. A coté de la porte d’entrée, petit coffre de voyage avec marquetterie en trompe l’oeil,(région de Luque, Toscanne, fi 15ème). Peinture flamande du 17ème, scène de basse-cour. Au dessus de la commode, tableau représentant Sainte Madeleine. Sur l’autre commode, buste d’un Podenas, milieu 19ème.

 

- une salle à manger où le décor date du 18ème siècle : une très grade glace en bois doré richement sculté domine la cheminée et les murs sont décorés de 12 panneaux prodablement des cartons de tapisserie reprèsentant des scènes de bergerie dans le goût et le style de la seconde miotié du 18ème  siècle. Glace d’époque régence avec moulures en bois doré. Buste de la duchesse de Lamballe, amie d’enfance de la reine Marie-Antoinette, internée avec elle à la conciergerie et décapitée sous les yeux de la reine, au nom des droits de l’homme... Torchères en bois doré d’époque Louis XIV, surmontées de luminaires en bronze, du 19ème. Désserte : meuble anglais du 19ème, en pallissandre, au dessus une glace en verre de Venise, et deux aiguières venant de Russie.

 

Dépositaire du château depuis 1891, la famille du Pouget de Nadaillac, d’or au chevron d’azur accompagné en pointe d’un mont de six coupeaux de sinople, orignaire de Nadaillac de Rouge en Quercy, s’emploie génération après génération à la sauvegarde de celui-ci, classé Monument Historique en 1970, et ouvert à la visite depuis 25 ans.

 

Occupant un tiers d’hectare le château a une surface au sol de 2300 m2, dont 500 m2 de terrasses. Les 2000 m2 de toiture qui le couvrent sont composés d’environ 50.000 tuiles.